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Deux interventions de Vincent Geisser, directeur de l'IREMAM

Assassinat dans une mosquée du Gard : « il y aura un avant et un après cette attaque », Libération, 27 avril 2025.

Le sociologue Vincent Geisser réagit pour Libération au meurtre avec préméditation d’un musulman dans le Gard, vendredi 25 avril. Le chercheur appelle à une union sacrée des politiques contre toutes les formes de racisme.

Vendredi 25 avril, un fidèle de la mosquée de la Grand-Combe, au nord d’Alès dans le Gard, a été tué de plusieurs coups de couteau dans son lieu de prière. Sur la vidéo tournée par l’auteur des faits, on l’entend dire à sa victime « je l’ai fait », puis « ton Allah de merde ! » Ce dimanche après-midi, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, doit se rendre sur place pour rencontrer la communauté musulmane meurtrie. Pour Vincent Geisser, sociologue, directeur de l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, les mots choisis par les politiques ne sont pas forcément à la hauteur du drame.

Comment réagissent les musulmans de France depuis l’assassinat d’un croyant à la Grand-Combe vendredi ?

Il y a plusieurs types de réactions. La première reste la sidération et la tristesse, notamment au regard du caractère atroce du crime. La deuxième est celle de la peur, pour soi et pour ses proches. Enfin, il y a de la colère et même de la rage. Elle est alimentée par le sentiment d’une forme de deux poids deux mesures, de la part des médias et des politiques, qui n’en feraient pas assez. Beaucoup font le lien aussi avec le contexte global, cette montée des discours identitaires et des tensions autour de l’islam.

Il faut commencer par dire qu’elle réagit, qu’elle condamne cette attaque. C’est important. Mais les mots choisis ne sont pas forcément à la hauteur du drame. Il a fallu attendre deux jours pour qu’un ministre se rende sur place, par exemple. Cela alimente le sentiment d’illégitimité que ressentent certains musulmans en France, alors même qu’ils sont acteurs de la société nationale. Il faut bien mesurer le caractère inédit de cette attaque. Il y aura un avant et un après. C’est une mosquée de province qui a été attaquée, le symbole d’un islam paisible, intégré à la vie locale. On peut faire le rapprochement avec le meurtre du père Hamel, en 2016, à Saint-Etienne-du-Rouvray. A l’époque d’ailleurs, beaucoup de musulmans s’étaient rendus à des messes en sa mémoire pour marquer leur solidarité.

Vous dites que vous voyez des fidèles évoquer le contexte global dans lequel cette attaque s’inscrit. Que voulez-vous dire par là ?

Les attaques sous forme de graffiti, de jets de cocktail molotov contre les mosquées, de menaces verbales à l’encontre des musulmans sont très fréquentes. On a aussi les débats autour des lycées et des collèges musulmans. On voit monter les discours nationalistes identitaires, en France et en Europe, qui crispent les relations. Enfin, il y a le contexte de la guerre à Gaza. Evidemment, il n’y a pas de relation mécanique entre ces contextes et cet acte. Mais l’ambiance générale peut faciliter le passage à l’acte, y compris de personnes perturbées. C’est d’ailleurs pour cette raison que la France s’est, très tôt, dotée d’une législation très répressive sur les expressions racistes. Nous avons conscience que des paroles, des actes racistes mineurs peuvent inciter au passage à l’acte.

Quelle pourrait être une bonne réponse politique ?

Le problème, c’est que l’on ne voit pas d’autocritique sur le débat identitaire en cours. Pour le moment les politiques n’assument pas leur part de responsabilité. Il aurait été important qu’ils réagissent ensemble. Mais non. LFI retrouve son rôle de dénonciation de l’islamophobie, quand les autres partis ont des paroles moins fortes. Mais ils ne vont pas les uns vers les autres. La France est un pays laïque, qui défend toutes les spiritualités. Face à un tel drame, l’action des représentants doit être exemplaire pour retrouver l’esprit des marches républicaines. En s’unissant dans leur réaction, ils pourraient créer ce que les sociologues appellent une communauté de deuil. Malheureusement, on voit que Manuel Valls préfère polémiquer sur le terme islamophobie… Pour une personnalité qui se réclame justement des valeurs républicaines, il doit mettre de côté les querelles de mots pour en appeler à l’union sacrée contre tous les racismes.

Émission C Ce soir. Mosquée du Gard : deux poids, deux mesures ? 28 avril 2025.

Vidéo en ligne sur la chaîne YouTube C Ce Soir - France Télévisions et sur le site France.tv

Le crime commis vendredi à l’intérieur de la mosquée de Grande Combe dans le département du Gard et ce qu’il raconte de la société française… Un crime atroce, un drame humain qui est aussi devenu ce week-end un débat politique, certains accusant le gouvernement d’un deux poids, deux mesures quand il s’agit d’un crime anti-musulman… Alors est-ce le cas ? Comment qualifier ce qui s’est passé ? A qui la faute ? Invités : Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France Terre d’Asile, Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la Ville, Vincent Geisser, sociologue CNRS-AMU, Samir Yahiaoui, activiste, Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre, Hakim El Karoui, fondateur de Volentia. Animée par Karim Rissouli avec les chroniqueurs Laure Adler et Arthur Chevallier.